Paru en novembre 2010

Ecrit par Alphonse Meyer

Publié par Jérôme Do Batzinger, éditeur

Préface de Danielle Crévenat-Werner


D’Wihnàchtsgedichte, les poésies pour Noël, d’Alphonse Meyer embarquent les lecteurs pour une croisière méditative vers les lointains rivages bibliques, pour un pèlerinage aux sources mêmes de Noël. Un voyage où chaque poème constitue une étape, un cheminement vers la connaissance des grandes figures, des hauts-lieux, des moments-clés du temps de Noël, en même temps qu’une unité thématique ouverte à la polyphonie des variantes linguistiques : le dialecte alsacien, dans ses deux grandes subdivisions alémanique et francique, l’allemand et le français. Et il tient à montrer son amour de ces langues, qui résonnent au cœur de l’Europe.


Fils de batelier, à l’enfance bercée par les eaux rhénanes, il dédie son œuvre à ses deux grands-pères, maternel et paternel. L’un, qu’il n’a, hélas, pas connu,  lui a légué un manuscrit de chansons alsaciennes, l’autre lui racontait les étoiles, dans son parler de Mothern, au bord du Rhin, Màthere / Màthere àm Rhei, quand tous deux étaient assis sur l’escalier arrière de la maison : uf de Stëg , àn de Hinnertier, dà hàt’r mir sunderbàre Gschichtle verzählt vun de Sta(r)ne. De là son éveil à l’écriture et à la poésie. Mais le grand bond en avant, dans ce domaine, c’est au Frère Denis Sibler du Collège de Matzenheim qu’il le doit. Il aime évoquer les cours de français de cet amoureux des arts et des lettres, les pièces de théâtre qu’il préparait avec ses élèves pour des représentations fortement applaudies par un public essentiellement composé de parents ravis : en classe de quatrième l’Avare de Molière et en troisième Christophe Colomb de Claudel. De là son goût, d’abord pour la littérature française, puis pour la littérature allemande, et, bien sûr, alsacienne. Il eut alors envie d’écrire, dans un premier temps, des poèmes de circonstance, en alsacien, pour des moments précis de la vie, avant de se lancer dans des œuvres réfléchies, travaillées, élaborées, qui puisent dans la richesse de son patrimoine linguistique. Car plusieurs fois sur le métier il remet son ouvrage, en réécrivant ses poésies en français et en allemand, ce qui suppose à chaque fois un nouvelle part de création poétique.


Sous sa plume à la fois fertile, exigeante et mesurée, chaque mot trouve la place qui lui convient. Et en choisissant de composer ses poèmes alsaciens essentiellement en alexandrins, avant de rédiger leurs versions française et allemande, il montre que le rythme ample, lent, calme et serein, de ces vers à douze syllabes, chers à la versification française, s’adapte également au déroulement des strophes alsaciennes et allemandes. Bien sûr, avec un degré de liberté nécessaire au poète, pour les besoins des sonorités et des rimes. Quant à son effort d’écriture, pour faciliter la lecture de ses poèmes, selon les règles préconisées par le système ORTHAL (Orthographe alsacienne), il a été vivement salué par l’AGATE (Académie pour une graphie alsacienne transfrontalière). Il a suivi une formation dans ce domaine,  dans une perspective de sauvegarde et de transmission du Àltmàtherisch, le vieux dialecte de Mothern, prononcé Màthere, c’est-à-dire celui des aînés, qui est sa langue maternelle. Mais il parle et écrit également celui de Strasbourg, qu’il a adopté pour communiquer dans l’Alsace du centre, et dans son village d’adoption, La Wantzenau, où le parler des plus jeunes générations a également tendance à perdre la spécificité de celui des aînés.


Wihnàchtsgedichte, poésies pour Noël, c’est un retour aux sources.Ces poésies forment une succession d’étapes délicatement illustrées et reliées par le fil tendre, lumineux et fervent des aquarelles de Jacques Ehrhard. En ces temps où le sens profond de Noël est trop souvent oublié, c’est une œuvre scintillante comme l’étoile de Noël, comme les étoiles que l’auteur regardait en écoutant les histoires du grand-père maternel, une œuvre pleine de la musicalité des langues, comme le livre de chansons écrites à la main par le grand-père paternel. Un grand Merci à ce poète qui prouve que notre dialecte, dans ses différentes variantes, permet, au-delà du quotidien, d’exprimer une spiritualité profonde, et offre un large éventail de mots subtils et choisis à celui qui  tient à en faire rayonner la beauté.


Danielle Crévenat-Werner